Il est 7 heures
du matin, je mets le contact et le thermomètre de ma voiture affiche 2 degrés.
Le soleil pointe en haut de la colline. Nous quittons le gîte sympathique, la
maison Hérold, où nous passons nos vacances, direction Désaignes. Après un
quart d'heure de route, nous arrivons au village départ qui grouille déjà de
trailers. Nous nous garons près du camping, complet pour l'occasion.
L'atmosphère se réchauffe un peu.
Je rejoins la
ligne de départ. Christelle, mon amie commence à prendre quelques
photos. Certains coureurs sont équipés de gants et emmitouflés comme pour
la Saintélyon. Nul doute qu'au bout de deux kilomètres de course, ils seront
obligés de s'arrêter pour s'alléger de ces vêtements encombrants.
Personnellement, même s'il fait un peu frisquet, je préfère partir avec un
simple maillot technique. J'ai choisi le maillot bleu aux couleurs du trail
"Landes et Bruyères" que j'apprécie. Un trailer a choisi la technique
du sac poubelle, bien connue sur les marathons, mais ici, pas question de
laisser traîner le sac sur la route.
Je retrouve un
coureur du Loir et Cher qui est hébergé en chambre d'hôte à coté de nous. Il
est préoccupé car il a déjà fait la distance (57 kms) mais jamais le
dénivelé (2400 D+). En fait, au vu de son expérience, étant comme moi plutôt
raisonnable, il n'a pas à s'inquiéter. Je le retrouverai d'ailleurs le soir
content de sa course. Je suis plus circonspect pour les 4 comparses que j'ai rencontrés
hier à la pasta-party. Quatre jeunes, cheveux ras, peut-être des militaires ou
des pompiers, qui n'ont jamais fait de trail et qui s'élancent pour le 57 kms.
Seul un est équipé de chaussures de trail et un autre envisage de bifurquer sur
le 34 kms. J'espère pour eux que tout se passera bien.
Dawa Sherpa
passe devant nous. Il a l'air sympa. En fait, les spectateurs voient plus
souvent les vedettes que des trailers comme moi qui ne peuvent les voir qu'au
départ. Le speaker annonce l'imminence du départ, demande aux dossards
préférentiels et à Thierry Breuil (aurait-il déjà gagné?), de passer à
l'avant du peloton. Le speaker fait part aussi d'un évènement peu sympathique
où des produits d'un stand d'un partenaire nutritionniste du village
départ auraient été "empruntés". C'est vrai que ce n'est pas
très cool. Surtout que "Monsieur le commissaire, le coupable est parmi
les 1300 trailers présents".
C'est parti!
Allez! Une petite "ola" et c'est parti pour
un tour de chauffe dans le village pittoresque de Désaignes. Le départ réel,
chronométré, commence lorsque le premier repasse sur la ligne de départ.
Personnellement, je me suis mis en deuxième partie de peloton, je souhaite
partir doucement car les premiers kms sont exigeants. En effet, dès la sortie
du village, la grimpette commence. Nous alternons marche et course. Dès le 3e
km, je ressens une douleur au dos et aux cuisses. En fait les muscles sont
froids et je suis parti trop vite... car tout le peloton est parti trop
vite, effet de l'effervescence du départ.
A' partir du 4e
km, la pente s'adoucit, c'est là qu'il faudrait courir. Je préfère calmer le
jeu. La descente entre le 6 et 7e km est agréable et fait du bien, les douleurs
disparaissent. Après le hameau de Sialles, la remontée, raide, recommence. Nous
voyons les éoliennes, là-haut. Elles paraissent proches mais il faudra 3 km
pour les atteindre. Nous arrivons enfin à la Citadelle, le point le plus haut
(1196m) qui n'a de citadelle que le nom. En fait, c'est une pinède. Je vois
Christelle avec son clic-clac Kodack. Je ralentis car je ne veux pas que la
photo soit floue (prétentieux, va !).
Ca roule.
Entre le 10 et le 17e km, nous sommes maintenant sur
un faux-plat descendant, où alternent prairies de montagne, pinèdes et
châtaigneraies, très agréables. Je commence à mettre raisonnablement, le turbo
et commence à doubler pas mal de coureurs. Au 17e, nous sommes en vue du
château de Rochebonne. Une coureuse, devant nous, nous dit qu'elle ralentit
pour profiter de la vue. Elle a tout à fait raison. A’ trois ou quatre, nous
faisons de même, car le point de vue est magnifique. Nous voyons, au loin, le
mont Gerbier de Jonc et le mont Mézenc, et plus près devant nous la vallée de
Saint Martin de Valamas.
Nous sommes maintenant au pied du château (de la
ruine, plutôt). Un bouchon se forme devant le début du sentier qui annonce la
descente. Cela me permet d'avaler un gel et de boire. C'est parti pour la
descente, dangereuse, dans les ruines d'abord puis à flanc de montagne jusqu'à
la cascade. Une fille devant moi glisse et chute, sans mal. Nous décidons de
rester prudent, d’autant plus que ce sentier chaotique se prolonge et dure une
couple de kilomètres.
Ensuite arrive la remontée vers Saint Jean de Roure.
Nous sommes tous en marche active. Nous atteignons le ravitaillement au km 22
en 3h 05 mn, il y a beaucoup de spectateurs, Christelle est là. Encore une
photo. Puis, une nouvelle montée est au programme.
Après quelques
kms, nous retrouvons un faux-plat montant, l’allure est agréable malgré une
sensation bizarre. Je double pas mal de coureurs, me fait doubler par quelques
uns, et d’autres sont à mon allure. En fait, je m’aperçois que beaucoup ne font
que les 34 kms. Soit ils sont usés et marchent, soit ils en ont « sous la
godasse » et accélèrent pour les derniers kilomètres. Seuls ceux qui font
les 57 kms sont au train.
Nous retrouvons les éoliennes. Je suis à l’aise et
accélère. Mais, à un moment, je sens une petite contracture à la cuisse. Je
ralentis, elle disparait. J’entame la descente à un bon train. Km 29, moitié du
parcours effectué.
Nous
arrivons sur le long parcours
Au km 30, nous arrivons au croisement où il faut
choisir entre le 34 kms et le 57 kms. Je suis en forme, cela ne fait qu’un peu
plus de 4 heures et demi de course. Ce serait dommage d’arrêter maintenant
(prétentieux encore !).La descente continue. Puis quelques remontées pour
arriver au ravitaillement du km 34. Saucisson, fromage, barres énergétiques,
eau, coca cola et c’est reparti. Tout va bien.
Une nouvelle descente puis nous passons sous la route
départementale par un petit tunnel fait pour l’écoulement d’un ruisseau. Il
faut baisser la tête, il fait noir, les pieds sont dans la gadoue. Pas très
agréable mais cela ne dure qu’une quinzaine de mètres.
Premières
frayeurs
Encore une descente, « à l’aise, benaise. ».
Et à un virage…AIE !! Le pied se tord. Aie ! Aie !
Aie !.« Est-ce que ça a craqué ? » me demande le trailer
qui me suit. Je gémis « non ». Je marche, j’ai mal, trottine
doucement, le pied bien à plat, pendant 2 à 300 m. Le mal s’apaise. Je
repars. Les pieds des trailers sont sur rotule amovible mais je sais maintenant
qu’il faut faire gaffe et que je vais le payer dans les jours qui vont suivre.
Une nouvelle descente technique. Une fille, un petit
chamois, me double et descend à vitesse grand »V ». Ces pieds
affleurent à peine le sol et passent d’une pierre à l’autre. Elle me prend plus
de 100 m en 300 m de descente. Un autre coureur me double. Suit un faux plat où
je me refais une santé.
Tout à coup, le coureur devant moi oblique sur un
sentier et crie à notre fille ailée, qui est 50 m devant « C’est par ici,
c’est par ici ! ». Elle ne se retourne pas alors, de concert, on
l’interpelle plus fort (On est gentil quand même). Enfin, elle se retourne et
nous rejoins en nous remerciant. Merci, pas de quoi. En fait, un trailer a
besoin des 3 yeux. Un pour regarder où il met les pieds, un pour le paysage et
un pour le balisage.
Un coureur, avec un maillot vert me rejoins. On
discute le bout de gras ensemble. Nous arrivons au bord de la route qui va vers
Labatie d’andaure. S’ensuit quelques montées et descentes. Ca va ! Malgré
la cheville qui me picote.
Pensées aux
copains
Je me mets à penser à Eric, un copain de mon village
qui fait, aujourd’hui, son premier trail de 30 kms en forêt de Perseigne dans
la Sarthe, et à mon chef, pas parce que c’est mon chef (je ne suis pas un fana
du boulot, surtout en vacances) mais parce que c’est un trailer et, en ce
moment, il doit être à Plévenon, au départ du trail des « Landes et
Bruyères » en Bretagne. Un trail super sympa. Allez !, par
télépathie, « Bonne chance » à eux deux.
Je pense aussi
aux copains de notre association de coureurs. Certains récupèrent des marathons
de Barcelone et de Paris, d’autres préparent les marathons des côtes de Blaye
et du Mont Saint Michel. Je leur vante souvent les bienfaits du trail, leur dit
que c’est moins dur qu’un marathon, mais jusqu’à présent, j’ai eu peu de
succès.
Une montée à
fond
Arrive un large ruisseau à traverser. Pas d’autres
solutions que de faire plouf ! plouf ! dans l’eau. Le ravitaillement
du 45e km est en vue, Christelle aussi.
Allez ! Encore un peu de saucisson, de fromage et
de Coca. Et puis, on y va. Déjà 5h 46mn de course, il reste douze bornes dont
3,5 km de montée vers Rochebloine. Je peux tenter de finir en 7h 30mn.
J’entame la montée à l’arrière d’un petit groupe. Je
me sens bien, dépasse tout le monde. Un trailer me dit que si on va trop vite,
on risque d’exploser. Il a raison mais j’aime les montées, me sens bien et
donc, accélère encore. Je rejoins un coureur seul, le dépasse. A’ un moment,
j’ai un doute sur le chemin, continue et retrouve du balisage. Je pète la
forme. Je vois, à 100 mètres devant moi, un groupe dans lequel figure le
trailer au maillot vert. Je rattrape le groupe, il reste 400 m avant le sommet.
On voit là-haut, les coureurs qui montent lentement
entre les pierres et la lande. La montée durcit, il faut maintenant mettre les
mains, il reste 200 m et là…les crampes me prennent. Sur les deux cuisses et
les deux mollets. Je stoppe, attend 10 secondes, cela se décontracte un peu…
mais je sais que j’ai perdu mon pari. Je fini lentement la montée, puis marche,
cours un peu, doucement.
Un final
cahin-caha
Le trailer sympa au maillot vert me repasse, je ne le
reverrai qu’à l’arrivée maintenant. J’arrive à Nozière, il reste six kilomètres
de descente. Je cours mais comme sur des œufs, entre la menace des crampes et
la cheville douloureuse. 7 à 8 coureurs me doublent.
La descente est
large, régulière, sans difficulté technique. Je rage de ne pas pouvoir en
profiter. C’est sûr, je perds au moins une minute et demi au kilomètre. Tant
pis pour moi. On voit maintenant le village de Désaignes.
J’arrive au pont, Christelle est là. Clic-clac, c’est
dans la boite. Reste la montée en faux-plat. Les spectateurs sont nombreux,
nous encouragent et nous félicitent. Je rattrape presque le coureur devant moi,
et puis je me dis que je ne mérite pas de le dépasser. Après tout, s’il est
devant moi au bout de 57 kms, c’est qu’il est plus fort.
Je passe la ligne d’arrivée, content mais aussi
frustré, vexé même car j’ai mal géré ma fin de course. Ma montre annonce
7h35mn. Je recherche le stand de ravitaillement. Un groupe musical dynamique et
coloré nous accueille. Je suis usé, mes pompes aussi. Le petit bisou de
Christelle me réanime.
En fait, je finis 179e sur 367 arrivants en
7h 39mn (les 4 minutes de différence sont liées au début où je suis passé sur
la ligne de départ 4 minutes après le premier).
La montagne ardéchoise est verte,
elle est belle,... elle est dure aussi.
La photographe
La photographe