vendredi 20 avril 2012

Comment un homme de la plaine a fait la 6000D

A' l'origine, j'ai souhaité faire ce récit sur ma 6000D 2010 pour aider d'autres coureurs qui souhaiteraient se lancer dans l'aventure. Je suis un homme de la plaine. J'habite en Sarthe. J'ai 46 ans et je cours depuis 6 ans. J'ai commencé, comme tout le monde, par des 10 kms, puis des semi-marathons, puis des marathons.

Depuis 2 ans, je m'amuse sur des petit trails (15kms) dans ma région, puis j'ai fait quelques 30 kms (Gendarmes et voleurs de temps 2009 , "Landes et Bruyères" 2008 à Erquy). Passant mes vacances d'été en montagne, j'ai fait la K22 (22kms, 1300 D+) en 2008 et la course des refuges (30 kms, 1700D+ en 2009). Je suis un coureur moyen dont le seul but est de me faire plaisir. Pour vous donner des références, je cours un 10 bornes en 43 minutes, un semi en 1h 37mn et un marathon en en 3h23 mn.

Et puis, voilà....

Après mon marathon de La Rochelle, en novembre 2009, j'ai eu envie de faire un vrai trail (+42 kms) de montagne. Et j'ai tout de suite pensé à la 6000D (65kms, 3300D+).

En homme prudent, j'ai cherché beaucoup de renseignements sur l'entrainement sur internet et dans les revues, mais les récits des coureurs, très passionnés et intéressants, parlaient beaucoup de leur course (c'est humain) mais peu de leur préparation.


A) Ma préparation
Ce n'est sûrement pas la préparation optimum que pourrait vous conseiller un entraineur. Elle m'a juste permis de réaliser mon objectif: terminer la 6000D, sans être complètement usé.

1) Etablir un calendrier de courses
J'ai d'abord décidé d'établir mon calendrier de courses du 1er semestre 2010 uniquement en fonction de la 6000D. En février, j'ai fait un trail de nuit, dans la boue et pendant la tempête, de 14kms en Touraine.
En mars, j'ai fait le 50 kms de l'éco-trail de Paris, sans trop forcer (trail très sympa). Mon but était uniquement de faire une distance qui m'était jusqu'alors inconnue. J'ai eu peu de douleurs aux jambes mais quelques unes au dos.
6 semaines plus tard, début mai, j'ai fait le 32 kms de "Landes et Bruyères" à Erquy(22), joli trail de bord de mer que j'avais déjà fait en 2008 (C'était à l'époque mon premier trail de 30 bornes). 

2) Faire du gainage

Et là, par contre, j'ai compris que j'avais trop forcé et pas récupéré de l'éco-trail de Paris. J'ai eu mal au dos pendant huit jours. J'ai donc cessé tout entrainement pendant les quinze jours qui ont suivi...puis je me suis mis à faire, 2 fois par semaine, en fin d'entrainement, ce que tout trailer devrait faire régulièrement: du gainage. J'ai compris que c'était indispensable. En effet, à l'arrivée de la 6000D, je n'ai pas eu mal au dos. Je pense que c'est même utile pour la course sur route.



3) L'entrainement spécifique
Ensuite, j'ai préparé un entrainement spécifique de mon invention. En fait, j'ai pris mon entrainement marathon sur 8 semaines que j'ai adapté. Je l'ai structuré sur 4 séances hebdomadaires.

- Une séance de fractionné court sur une côte de 150 à 200 m à 10% (à faire 10 fois, sauf la dernière semaine (6fois)).
-Une séance de fractionné long sur un circuit de 500 m qui comprenait la côte de 200 m et la descente. J'ai fait soit 5x1000, 3x2000 ou 2x3000m (en semaine 4 et 6, cette séance a été remplacée par 2 petits trails de 13 et 11km près de chez moi). Ne pas faire cette séance la dernière semaine.
-Une séance de liaison à 75%FCM en terrain vallonné d'1heure à 1h15mn (étant en plaine, je n'ai trouvé que des côtes de 200m de long, si vous avez plus long chez vous, n'hésitez pas). 40mn seulement la dernière semaine.
-Une sortie longue, en vallonné, de 2heures (semaine1), 1h30 (semaine2), un trail d'entrainement (semaine3) près de chez moi (trail des forges) de 30kms (les 10 premiers km à 75%FCM, les 10 suivants à 85%, pour les 10 derniers, faites vous plaisir). 
Pour les semaines 4,5 et 6, j'ai trouvé à 50 kms de chez moi un parcours vallonné de quatre kms avec deux côtes de 100 m de D+ et 700m de long. J'ai fait 3h (semaine4, 1100D+) puis 2 fois 3h30 (semaine 5 et 6, 1300D+). Un conseil: trouvez absolument des côtes assez raides et assez longues qui vous obligent à faire de la marche active en montée et à vous entrainer aux descentes (le plus dur, en trail, ce sont les descentes). Personnellement, je pense qu'il faudrait des côtes de 2km de long avec 300 m de D+ mais on fait avec ce qu'on a. Enfin, semaine 7, une sortie d'1h30 en vallonné suffit. La dernière semaine , la sortie longue, c'est la course.
-Par ailleurs, je faisais une séance par semaine de renforcement musculaire (gainage, chaise et stepper) de 30 à 40 mn.

4) Préparer son matériel et son alimentation
Pour les chaussures, je voulais au départ faire avec mes chaussures de trail classiques à 70 euros (très suffisant pour un 30 bornes ou l'éco-trail de Paris) puis, par précaution, j'ai tout de même investi dans des chaussures plus élaborées (En l'occurrence, des salomon xa pro 3d ultra) et je ne l'ai pas regretté car, en montagne, le terrain est beaucoup plus éprouvant pour les pieds et la durée de course plus longue (pour moi, 10h15mn).
Par contre, plutôt que de prendre mon camelback (très bien pour une course de 3 à 5 heures), j'ai décidé d'acheter une ceinture avec 2 bidons (60 euros tout de même). 2 avantages: remplissage plus facile aux ravitos et possibilité d'avoir un bidon d'eau et un bidon de boisson isotonique. Inconvénient: il faut des ravitos toutes les 2 à 3 heures (cas de la 6000D) et moins de place pour mettre les gels et les vêtements.
En alimentation, j'ai pris mes gels habituels que je prenais toutes les demi-heures sauf aux ravitos qui étaient biens fournis. J'ai aussi pris des pastilles homéopathiques contre les crampes.

Surtout, bien penser à s'alimenter régulièrement.


B) ma course


Il ne fait pas chaud, ce samedi matin à 8 heures. Au vu de la météo, je me suis mis en textile léger mais à manche longue. Pour le glacier, j'ai emporté, une veste, manche courte, respirante légère ...et des gants. 



Au départ de Aime, je ne suis pas stressé et souhaitant être prudent, je me met dans la 2e partie du peloton (sans se mettre à la fin). Le départ est lancé. Dans la descente d'Aime, le peloton s'étire déjà. Nous sommes 700. Dès le 2e km, je n'ai plus froid. Le road book annonçait 8 kms de faux-plat jusqu'aux Esserts. J'ai prévu de courir jusqu'à cet endroit mais dès la fin du 4e km, la pente durcit légèrement et je préfère alterner marche et course. En fait, mon accéléromètre m'annonce 6 kms aux Esserts. Le parcours serait-il plus court que prévu?
La montée vers Longefoy est dure, les muscles sont froids et j'ai mal aux cuisses et au dos. Nous sommes à la file indienne. Je me contente de suivre. Entre Longefoy et Montalbert, la douleur s'en va. Ma marche active devient plus efficace. Après la montée de piste de Montalbert, le chemin s'adoucit, je reprends l'alternance marche et course, mais tout doux, cela dure quelques kms. Avant de reprendre des pourcentages plus difficiles, la dernière montée sur Aime2000 est dure. Nous sommes à 2100 m d'altitude. 1400 D+ d'avalé. La descente sur La plagne Centre est rapide et fait du bien. 

J'arrive au 1er ravito en 2h30 au moment où le speaker annonce que les premiers sont à la Roche de Mio. Comment font-ils ces extra-terrestres? Au ravito, je me trouve bien mais Christelle, mon amie, qui m'attend trouve que je suis fatigué, effet de la montée sans doute. Je reste peu de temps au ravito (3 à 4mn) puis c'est reparti pour une longue séance de marche active, avec un peu de course parfois dans les rares petites descentes ou faux plats. Vers le sommet de la Roche de Mio, le brouillard commence à s'inviter. Je passe celle-ci en moins de 4h. Dans la descente vers le col de la Chiauppe, le brouillard devient plus dense, je préfère être prudent même si la piste est large. Je me fais doubler par trois ou quatre coureurs.

Au ravito, je prends plus de temps. Christelle est là, elle me trouve mieux. J'enfile mes gants et ma veste légère. Je repars...et je rentre dans un autre monde. Le brouillard est maintenant très dense. On ne voit pas à 30 mètres. Pour trouver le chemin, je suis ceux de devant. Le dénivelé commence à durcir. On voit passer, face à nous, de façon fugitive, ceux qui finissent la descente, ils vont vite.

Et puis, à un moment ce n'est plus une pente, c'est un mur. Je suis le dernier d'un groupe de 15 à 20 coureurs. Derrière, ils ne sont peut être pas loin mais, avec le brouillard, je ne les vois pas. 3 ou 4 gars devant moi décrochent du groupe. J'essaie, lentement, de les dépasser et m'accroche aux basques du groupe. En fait, je n'ai pas envie de me retrouver seul dans cette purée de pois. Le mur est très long, près d'un kilomètre avec une pente de 40 à 45 % mais la montée, si elle fait mal aux jambes, se passe finalement bien. L'arrivée en haut est tout de même un soulagement. J'y suis en 5h 08mn.

Maintenant, il faut traverser le glacier dans la neige et dans le brouillard, on ne voit rien à 15 m. Je ne suis pas habitué à marcher sur la neige, je n'aime pas ça. Je suis le groupe mais, à un moment, nous sommes perdus. Nous revenons à la dernière rubalise mais ne voyons pas la marque suivante. 2 gars partent vers un endroit, reviennent au bout d'une minute. Trois autres vont à l'opposé, nous ne les voyons plus. Quelques instants plus tard, on entend un "C'est par ici" libérateur. Nous fonçons sur la neige vers l'endroit. Une dernière escalade de sentier rocheux nous est proposée, elle passe vite. En haut, un bénévole apparait dans le brouillard et nous dit que la montée est finie. Merci à lui, car, tout seul dans le brouillard et le froid, à 3050 m d'altitude, pendant plusieurs heures, il a dû en baver.

Il faut maintenant attaquer la descente. Sur le road book, j'avais vu une descente en lacet sur une sorte de piste de 4x4. Mais je me doutais, d'après la lecture de certains récits, que les organisateurs devaient nous faire passer ailleurs. En effet, en fait, le tracé de la descente est simple. Tout droit dans la pente à 45%, dans le brouillard. En plus, arrive une plaque de neige. Certains, habitués à la montagne, font du ski avec leurs pieds et leur bâtons. Je n'ai pas pris de bâtons, je n'aime pas ça. Alors... tant pis pour le ridicule, je me mets sur les fesses et je descends en glissade sur une trentaine de mètres. Ensuite, je reprends cette descente infernale, prudemment, me fais évidement doubler. Tant pis.

Nous retrouvons maintenant quelques concurrents en face de nous qui vont vers le glacier. Ils vont vers l'enfer...nous en sortons.

Au ravito retour du col de la Chiauppe, je me restaure correctement et rapidement (5 à 6 minutes). Christelle m'attend mais elle a froid. Je lui dis de redescendre sur la Plagne Bellecôte sans tarder pour se réchauffer. Un petit bisou et c'est reparti.
La descente vers le Dérochoir est pentue et un peu technique mais n'a rien à voir avec celle du glacier. Maintenant le brouillard se dissipe. Je reste prudent, je ne suis pas bon en descente. De temps en temps, un coureur me double. Chaque coureur est maintenant espacé de 20 à 50 mètres.

J’arrive au bas du col de l'Arpette. Je sens que les muscles commencent à souffrir. Je prends une pastille anti crampe. La montée est rude mais j'aime les montées, je double 5 ou 6 concurrents. Je suis en haut du col en 7h 07mn. La descente sur Belle Plagne est raide mais sur un sentier sans pierre donc agréable. Le ravito de Plagne Bellecôte est en vu, j'y suis en 7h 32 mn. Christelle est là, elle n'a plus froid. Je lui laisse ma veste et mes gants. Il reste 18 kms.

Je préfère rester prudent. Je reste 15 mn (eh oui, un peu trop) au ravitaillement, me restaure, prends une pastille anti-crampes et repars. Un gars me dit qu'on peut finir en moins de dix heures... et accélère. Je n'ai jamais fait 65 km et j'ai lu un récit où un coureur,"Raspoutine", en 2009, a eu des problèmes gastriques à quelques kms de l'arrivée. Je préfère assurer. Au début, il n'y a pas de pente, il faut donc alterner course et marche. C'est dur après 50 bornes. Puis la descente arrive. Entre les Coches et Montchavin, nous sommes parfois sur du goudron ou sur un sentier de pierre. Cela fait un peu mal. J'arrive à Montchavin en 8h 55mn. Je reste 5 bonnes minutes au ravito et je mange. Je commence à penser que, entre les ravitos, les gels et la boisson, en fait, un trail long c'est "la grande bouffe".

Je suis maintenant sur un petit sentier dans la forêt, double trois, quatre concurrents. Peu à peu, le sentier me semble interminable. J'alterne course et marche. Enfin, j'arrive à Sangot. Je suis rassuré, il ne reste que quelques km. Je me sens bien. J'accélère. Une dernière descente vers la rivière puis arrive la piste cyclable. Je vois plusieurs coureurs qui marchent. Moi, je suis bien, je cours, les jambes sont bien. Une passerelle, la montée dans Aime, la traversée de la rue commerçante où certains coureurs (sûrement des martiens) attablés aux terrasses de cafés boivent une bière et nous encouragent, et c'est l'arrivée. Je rejoins un concurrent qui m'avait doublé après Montchavin mais il se met à sprinter. Je reste sur mon tempo. Christelle est là, me photographie, je ne suis pas expansif mais je lève les bras. Je passe la ligne. Je suis simplement heureux. 

En fait, même pour un homme de la plaine, ça se fait, la 6000D. J'arrive 477e en 10h15mn 39. Je pensais la faire en 10 heures. Je suis presque dans les temps. Je n'ai pas trop de douleurs, moins que pour un marathon. Je dis à Christelle qu'il faut quand même être débile pour faire un tel truc. Elle m'informe que le premier de l'ultra6000d (110km) est arrivé en un peu plus de douze heures. Ça me rassure, je suis débile mais il existe des ultra-débiles. 
..Mais peut-être qu'un jour, finalement, pourquoi pas faire un ultra?

1 commentaire:

  1. Bonsoir Pascal,
    Je suis "tombé" sur votre site en cherchant des conseils de préparation pour la 6000D. Premier point commun avec vous, j'habite en plaine et pas très loin de chez vous (Maine-et-Loire, Saumur) et pour l'instant seul s les côteaux du Saumurois m'ont permis de terminer le trail... Ardéchois (2e point commun, mais seulement 36 km). Les autres similarités sont donc la 6000D pour le 25e anniversaire cette année, ainsi que le trail des templiers (72 km) à la fin de l'année. En tout cas merci pour vos récits et vos conseils. Je vous donnerai un compte-rendu si cela vous intéresse. Arnaud

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