Dès le début de ma saison, j’avais mis la grande course des
templiers comme objectif d’automne. N’ayant jamais fait une telle distance (72
km), c’était un peu l’aventure. Je décide de demander conseil à Eric, un entraîneur chevronné.Et comme par hasard, il m’informe qu’il fait lui aussi
cette course ainsi qu’un groupe de sa connaissance composé de plus d’une
vingtaine de coureurs, certains sur le 29km (la Mona Lisa), d’autres sur le 40
kms (le marathon des causses) et d’autres sur le 72 km.
Dans la voiture qui nous emmène vers Millau, je comprends
vite que mes quatre camarades de voyage (Eric, Patrick, Bruno et Vincent) sont
d’un niveau largement plus élevé que le mien. Je fais un peu
« randonneur » à leur côté. Julien, un autre traileur de bon niveau,
a réservé pour la vingtaine de coureurs des chalets à Rivières sur Tarn. Je me
retrouve logé avec mes quatre amis de voyage. Le samedi, nous allons chercher
nos dossards dans le village départ, on sent l’ambiance monter, d’autant que le
départ de la Mona Lisa puis du marathon des causses est donné.
Au retour, nos coureurs nous informent qu’il fait un froid
de canard sur le causse. Pas rassurant. La météo annonce une forte baisse de la
température pour cette nuit. -4 avec ressenti -9 sur le causse pour la fin de
nuit prochaine. J’ai pris les vêtements (avec les trois couches :
respirant, chaud, isolant) en conséquence mais, malgré tout, je ne suis pas si rassuré.
Comme des bébés, nous sommes couchés vers 20h30. Réveil à
trois heures du mat. Direction Millau. Il fait froid. Nous nous garons loin du
départ. Les 2300 coureurs convergent vers les sas. Nous ne sommes pas en
avance. Nous nous éparpillons. A’ cinq minutes du départ, j’ai perdu mes
colocataires. Il est presque 5h15mn,
heure du départ. Au milieu du peloton, l’ambiance se réchauffe d’autant plus
que la sono commence à diffuser la musique d’ERA. Nous allumons nos frontales.
Les fumigènes rouges s’allument dans le ciel, le départ est donné. C’est
grandiose.
Désenchantement. Mon GPS ne se met pas en route. Je me mets
sur le bas-côté, essaie de relancer la demande satellite plusieurs fois, rien à
faire. Tout le peloton est parti. Tant pis, j’y vais à l’ancienne, juste avec
le chrono. Je pars donc bon dernier. Ah non, je vois deux ou trois
retardataires qui, comme moi, essaient de rattraper le peloton. Je ne stresse
pas. Je sais qu’il va y avoir des bouchons mais sur 72 km, j’ai le temps. Je
double un peu sans forcer. La route est large sur deux kms puis plus étroite.
La montée commence, légère au début, puis un peu plus prononcée. Certains
marchent déjà. Je double en trottinant. Nous nous engageons sur un chemin qui
grimpe dur. Comme tout le monde, je passe en mode marche. Bouchon. Nous montons
tranquillement la longue côte de Carbassas. La montée est longue, près d’une
demi-heure. Le sol est gelé, la pente est glissante par endroits. J’essaie de
relancer mon GPS. Après plusieurs tentatives, en haut de la côte, il se met
enfin à fonctionner, avec au moins 6 ou 7 km de retard.
Une heure de course, je mange mais ma barre alimentaire
s’est durcie avec le froid. Mes dents ont du mal à la couper. Allez ! Je
suis sur le causse maintenant. Le chemin est large. Je peux enfin courir à mon
allure. Sans forcer. Je suis à 5mn 40 au kilo. Je double tranquillement. Il
fait froid, il y a du vent et quelques flocons de neige tombent mais mes
vêtements sont bien adaptés. Mon bonnet et mes gants sont chauds. Finalement,
je suis bien. Petit à petit, le jour se lève. Après 12 kms de causse, nous entamons
la descente, large et douce au début. Je double encore. Puis le chemin devient
monotrace et plus technique. Nous voyons Peyreleau (22e km). 1 er
ravito. J’y suis en 2 h35 mn (1246e).
Je reste 3 mn au ravito puis j’entame la remontée sur le
causse. Nous sommes à la queue leu leu. Cela n’avance pas vite mais impossible
de doubler. Ce n ‘est pas grave, je garde des forces. 3 ou 4 km de montée.
Enfin, un chemin large. Nous sommes presqu’en haut du causse. Je peux doubler.
Je trottine. Vers le 30e km, je double Urbain. Il me dit qu’il a un
problème au genou. Je lui réponds de continuer tranquillement. Maintenant, la
végétation du causse change. Nous étions protégés par des arbustes, nous sommes
maintenant au milieu des champs. Le vent est glacial. Le deuxième ravito, Saint
André de Vézines, est en vue. 4h04mn de course (1042e), 34,5 km de
fait. Tout va bien.
Nous sommes dans une grande grange. Je veux prendre mon tube
d’Isostar mais quand j’ouvre, les cachets, sous les chocs répétés, se sont
transformés en poudre et j’en déverse plus de la moitié à côté. Par ailleurs,
mes barres énergétiques sont toujours aussi difficiles à manger.
« Allez ! Tant pis, je me casse. » D’autant qu’il fait froid
dans cette grange.
A’ part le vent froid sur ce causse dégagé, tout est ok. Je
fais une pause technique. Avec le froid, mon petit tuyau n’est pas bien
vaillant. C’est reparti ! J’arrive en haut d’une falaise. Nous sommes en
chemin monotrace, la vue est splendide. Nous traçons en balcon sur quelques
kilomètres, les photographes sont là. Devant moi, un petit groupe fait les
fanfarons pour la circonstance.
Notre petit groupe entame la descente. Celle-ci est technique et glissante. Je me retrouve sur les fesses mais le moral est là. Malgré la difficulté, l’allure est rapide. Je suis quelques coureurs aguerris. A’ un moment, l’un d’eux nous dit que le paysage est splendide. Il a raison, nous levons les yeux et voyons sur une falaise voisine, un petit hameau, semi désertique. C’est beau ! Mais il faut continuer. En bas de la descente, nous sommes à la Roque Saint Marguerite, nous traversons la Dourbie.
Notre petit groupe entame la descente. Celle-ci est technique et glissante. Je me retrouve sur les fesses mais le moral est là. Malgré la difficulté, l’allure est rapide. Je suis quelques coureurs aguerris. A’ un moment, l’un d’eux nous dit que le paysage est splendide. Il a raison, nous levons les yeux et voyons sur une falaise voisine, un petit hameau, semi désertique. C’est beau ! Mais il faut continuer. En bas de la descente, nous sommes à la Roque Saint Marguerite, nous traversons la Dourbie.
Troisième difficulté de la journée. Je montre tranquillement
en marchant, bois et mange. Nous arrivons maintenant en haut du causse du
Larzac. Cela me rappelle des souvenirs.
Voilà une dizaine
d’années, j’étais venu en vacances par ici et, par hasard, au hameau de
Montredon, à 7 ou 8 km d’ici, j’avais vu une vedette, le patron des lieux, en
bottes, en train de nourrir ses animaux, José Bové. De même, dans une ferme
avoisinante j’avais trouvé un super pastis, le « pastis des Homs ».
C’était il y a longtemps.
Retour à la course. Le3e ravito est en vue.
Pierrefiche, 48,5 km en 6h21mn (916e). Il me reste 23 kms. J’avais
prévu 12 heures de course, j’envisage l’espoir de finir en moins de 11 heures. Le soleil pointe le bout de son nez. Les
copains qui ont fait le 29 ou le 40km hier sont là. Ils m’encouragent, tout va
bien. Au ravito, j’essaie de retrouver les barres aux amandes si délicieuses
que j’avais prises à Saint André de Vézines, en vain. Dépité, je repars.
Je trottine quelques kilomètres sur le causse. Des petites
douleurs apparaissent. Au bout de plus de cinquante km, s’est normal. S’ensuit
la descente, un peu longue. Nous revenons au dessus de la Dourbie. L’allure est
bonne. Cependant, le long sentier, étroit, en devers, commence à me faire mal.
Sensation bizarre. Il est long ce sentier au dessus de la Dourbie. Nous
abordons une montée. Je sais qu’elle est nouvelle par rapport aux éditions
précédentes. Sur le papier, elle est courte. Dans les faits, elle m’use. Je
ralentis. Pourtant pas dure mais j’ai du mal. Enfin, en haut. Vivement la
descente. Mais celle-ci aussi me fait mal. Les crampes sont là.
Je vois le pont sur la Dourbie, puis le hameau :
Massebiau. J’ai mal. Je passe le hameau. Au loin, je vois Millau et le viaduc.
60e km, reste 12km. Mais quels kilomètres ! J’entame la montée.
Quelques hectomètres. Mal. Je titube. Un spectateur me demande si ça va.
Non ! Ca ne va pas. Je continue. Les jambes sont bloquées. 3 km de montée,
je ne pourrai jamais. Je m’arrête, m’affale sur le flanc de la colline. Au
fait, depuis combien de temps, j’ai mangé ? Je ne sais pas, je ne sais
plus. Envie d’abandonner. Cela ne m’est jamais arrivé.
Je suis assis, les coureurs passent. Je prends un gel
anti-crampe, j’aurai dû le faire plus tôt. Je repars, gémit. Cinquante mètres.
J’arrête. Un coureur me lance, de façon péremptoire : « Allez ! On
monte ». Il a raison. J’essaie de suivre.
Je ne le suis pas, mais j’avance. Péniblement. Par à-coups. La côte est
longue. Je me fais doubler. Je suis un zombie en marche. La côte durcit encore.
Je n’aime pas les bâtons mais j’avoue que là, ça m’aiderait bien. Le haut est
abrupt sur quelques centaines de mètres. Je suis à quatre pattes. C’est long,
c’est lent, c’est dur. Interminable ! Enfin, en haut ! Des spectateurs nous
disent que le ravito n’est pas loin. Plus d’un kilomètre en claudiquant, là où
les autres courent. Là-bas, la ferme du Cade, le ravito, enfin.
J’y suis, je mange, prend une soupe, me réchauffe. Je suis
pris de tremblements. Il y a un coin avec des bancs. Y sont assis d’autres
zombis comme moi. J’y reste un bon quart d’heure. Bon, faut pas rester là,
sinon je vais y mourir. Je reprends un gel anti-crampes.
Je repars, passe le tapis qui calcule les temps
intermédiaires. 9h47mn de course (976e). Il reste 7,5 km, soit dans
mon état au moins 2 heures de course. De marche plutôt. J’essaie bien de courir
sur le causse mais les jambes ne veulent pas. Malgré tout, je sais maintenant
que je peux finir en gérant mes douleurs. Au bout de 10 mn, je vomis ma soupe.
Déchéance.
Arrive l’avant-dernière descente. 200 m de D-. En plus, ça
glisse. Il doit faire 2 degrés. Le sentier est raide et boueux. Fin de
descente. Replat mais je ne peux toujours pas courir. Maintenant, c’est un flot
continu de coureurs qui me double. La dernière montée arrive. Je vois là-haut
l’antenne téléphonique. C’est un mur qui se présente à nous. Sans vergogne,
tant pis pour le style ou ma fierté, je monte à quatre pattes puis sur la fin
je rampe le long des hautes « marches » pierreuses. Au moins, je n’ai
pas de crampes aux bras. Dernière escalade. L’antenne est là. Tout à coup, un
vent violent survient. Il balaie tout le haut du causse. Ne pas rester là pour
ne pas attraper froid.
Je peux courir un peu sur le replat. Cela ne dure pas longtemps. La dernière descente arrive. Encore plus boueuse que la précédente. Je laisse passer les coureurs. Une petite montée. Voilà la grotte du hibou. Une vingtaine de mètres dans ce sombre tuyau. Une grosse marche au milieu. Je manque de tomber, m’accroche à la paroi. Sortie de la grotte et tout de suite la descente. En fait, un toboggan de boue. Pour descendre, il faut s’accrocher aux arbres. Je ne prends pas de risques, me fait doubler encore et encore, n’hésite pas à descendre deux ou trois passages sur les fesses. Ca me rappelle le glacier de bellecôte sur la 6000D. La descente en sous-bois dure bien vingt minutes. Puis tout à coup, je vois des champs. Des spectateurs nous disent qu’en trottinant, il reste un quart d’heure maxi. 11h40mn de course.
Je peux courir un peu sur le replat. Cela ne dure pas longtemps. La dernière descente arrive. Encore plus boueuse que la précédente. Je laisse passer les coureurs. Une petite montée. Voilà la grotte du hibou. Une vingtaine de mètres dans ce sombre tuyau. Une grosse marche au milieu. Je manque de tomber, m’accroche à la paroi. Sortie de la grotte et tout de suite la descente. En fait, un toboggan de boue. Pour descendre, il faut s’accrocher aux arbres. Je ne prends pas de risques, me fait doubler encore et encore, n’hésite pas à descendre deux ou trois passages sur les fesses. Ca me rappelle le glacier de bellecôte sur la 6000D. La descente en sous-bois dure bien vingt minutes. Puis tout à coup, je vois des champs. Des spectateurs nous disent qu’en trottinant, il reste un quart d’heure maxi. 11h40mn de course.
Allez ! Je vais essayer de finir en moins de 12 heures.
Je me remets à courir, pas vite mais au moins je cours. Le sentier est large.
Je me fais encore un peu doubler. Je vois maintenant l’arrivée, un petit muret
à sauter. Gamelle devant les spectateurs. Ridicule jusqu’au bout. Cent mètres
de bitume. Arrivée. 11heures52mn. 1156e. Fin de partie.
Les autres copains sont arrivés depuis bien longtemps
(Patrick 234e en 9h14 ; Julien 252e en 9h17 ;
Bruno 284e en 9h24 ; Eric 295e en 9h25 ; Claris
483e en 10h10 ; Vincent 670e en 10h41) Même Urbain,
qui était mal au trentième km, arrive trois minutes après moi.
Après analyse, pour la première fois, je sais que j’ai
atteint ma limite.
Moi qui rêvais d’ultra, je sais qu’il me faudra patienter.
Ma défaillance est sûrement d’abord due à une mauvaise alimentation. Il va
falloir que je me construise un protocole alimentaire strict car sur les
longues distances, ce paramètre est primordial, je viens de l’apprendre à mes
dépens. Il va aussi falloir que je travaille beaucoup mon renforcement
musculaire et ma VMA.
Pour l’heure, après un hiver qui va me servir à revoir et à
travailler mes fondamentaux, je pense orienter ma saison 2013 sur des courses
plus courtes pour reprendre de la vitesse (ça fait plus de deux ans que je n’ai
pas fait un 10 km), tout en incorporant le marathon du Mont-Blanc (en juin) et un
marathon en fin de saison.
Je ne renonce pas à un 80 km en 2014 en tirant les
enseignements de la grande course des templiers que je viens de faire. Cette
course n’est pas un ultra-trail. Elle n’en est pas moins terriblement
difficile.
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